Perspectives de la fonction vétérinaire à travers une lecture de l’article-2- (Titre-I-)

vétérinaire abdelmajid ben gayess

vétérinaire abdelmajid ben gayess

Ce texte prend ses origines suite à deux faits ayant eu lieu durant les deux dernières semaines:

En plus de ces faits, la grande volonté qui anime les vétérinaires à repenser leur rôle professionnel et civique, qui est un indice d’une grande maturité. Afin de contribuer aux réflexions des commissions régionales et d’enrichir le contenu de la page officielle du C.N.O.M.V.T, je vous propose un essai de lecture des perspectives de la fonction vétérinaire à travers la dissection de l’article-2- (Titre Premier) du décret n° 2000-254 du 31 janvier 2000 du code de déontologie du médecin vétérinaire. Je n’ai pas donné une grande importance à la forme mais plutôt au contenu du texte en vue d’un débat constructif et enrichissant.

1/ « être fidèle aux lois de l’honneur, de la moralité, de la probité et de l’éthique dans l’exercice de la M.V … »

Un devoir: Il s’agit d’un devoir de ristourne à tous ceux qui ont participé directement ou indirectement à la promotion de la médecine vétérinaire en Tunisie (les investissements en infrastructures et équipements, les charges de l’enseignement et de la recherche, les charges fonctionnelles et les incitations à la libre pratique…etc.). La promotion de la M.V en Tunisie doit beaucoup aux contribuables tunisiens, pour cette raison le médecin vétérinaire est devant le devoir d’œuvrer au bien être du tunisien où qu’il soit et quel qu’il soit ; cet acte civique se réalise en veillant au bien être animal qui est l’une des sources de son bien être économique, social et psychique d’une part, et de ses soucis sanitaires d’autre part. L’objet d’action directe du médecin vétérinaire est l’animal sous ses différentes espèces et fonctions (animaux de rente, animaux de compagnie et de loisir, faunes sauvages). Un animal producteur de denrées alimentaires à consommation humaine (brutes et/ou industrialisées (IAA),fournisseur de matières premières pour l’industrie (habillement, cosmétique, nutrition animale),objet de loisir et de bienfaisance physique et psychique (animaux de compagnie, de services, gibiers),outil de travail et de déplacement, ou finalement, source de nuisances (zoonoses, pollutions).

Une histoire: Historiquement, la domestication des différentes espèces animales et la diversité des services rendus par l’animal à l’être humain sont à l’origine des soins empiriques (thérapeutiques et chirurgicaux),de la connaissance de la nutrition spécifique et de l’essor d’une pharmacopée différenciée.

Cette place qu’occupe l’animal dans la vie de l’être humain est à l’origine de la place qu’occupe et doit occuper le médecin vétérinaire dans la société. Etant donné, ce rôle axial du médecin vétérinaire qui est, par essence, un scientifique pluridisciplinaire incontournable, le M.V est sous la loupe de la société civile et le scanner du consommateur et du producteur. Pour cela, la place qu’occupe ce noble métier aux yeux des citoyens passe à travers le respect des règles éthiques et la réalisation des devoirs.

2/ « de respecter la vie des animaux, de jouer un rôle primordial dans la protection de leur santé et de leur bien être et d’œuvrer à l’amélioration de la santé de l’homme et de son bien être… »

L’objectif global (lointain) de la médecine vétérinaire est le bien être humain. Ce bien être est sujet à l’effet de plusieurs facteurs (économique, social, nutritionnel, sanitaire, psychique…etc.). L’objectif spécifique du métier est de participer à la sauvegarde du patrimoine animal, sa diversité et à sa promotion afin d’atteindre cet objectif global.

La santé animale est ainsi une priorité absolue pour la médecine vétérinaire en vaillant à l’ensemble des facteurs interférents (confort et hygiène des abris, équilibre nutritionnel, salubrité des aliments, confort lors du transport, manutentions et manipulations non stressantes, prophylaxie sanitaire et médicale…etc.).

La rentabilité économique des unités de production animale est la préoccupation majeure de tout propriétaire d’animaux de rente, elle est par conséquent l’une des prérogatives du médecin vétérinaire. En veillant sur l’optimisation de la productivité numérique (quantitative) et l’écoulement sur le marché de produits sains (animaux sur pieds ou produits de consommation humaine et/ou industrielle),le médecin vétérinaire contribue largement à l’équilibre du marché intérieur et de la balance commerciale du pays, à la dynamique inter-filière et à l’essor de l’exportation des produits d’origine animale. Il est de l’intérêt de tout médecin vétérinaire à agir dans le sens de promouvoir l’élevage du pays car il est déterminant dans l’essor et la pérennité de la médecine vétérinaire d’une façon générale (partenariat en matière de recherche, recrutement de vétos, échange d’expertises, foisonnement de labos…etc.) et dans l’amélioration des conditions financières du médecin vétérinaire en particulier. Plus l’élevage est rentable, plus le citoyen est disponible à investir en matière d’élevage, plus le médecin vétérinaire est sollicité.

Le contrôle des produits d’origine animale, depuis le lieu de production jusqu’au consommateur final (humain, animal et industriel) et la veille épidémiologique sont d’autres champs d’action du médecin vétérinaire. Les consommateurs sont de plus en plus exigeants en matière de bien-être animal et d’éventuels résidus nocifs tout au long de la chaîne de production. La santé humaine est directement ou indirectement tributaire de la qualité des services accomplis à ces niveaux de l’échelle. Une action spécifique vis-à-vis des résidus et d’antibio-résistance est nécessaire. Elle est tributaire d’un usage raisonné des médicaments vétérinaires à travers une législation claire donnant au praticien, qui est incontestablement le mieux placé, l’aval de la gestion totale de ces produits. « La prescription du médicament vétérinaire est l’aboutissement d’une démarche diagnostique bien précise que seul le praticien est capable de mener à bien: son expertise lui permet de bien définir le traitement adapté, la bonne posologie, la durée d’administration… ».

Il est aussi urgent d’encourager voir d’imposer aux prestataires de services intermédiaires (abattoirs, CCL, IAA) de recruter des vétérinaires pour un meilleur contrôle des différentes filières.

3/ « d’œuvrer à la préservation de l’environnement et pour la promotion d’une vie harmonieuse entre tous les êtres vivants et de m’efforcer de créer les conditions idéales de coexistence entre l’homme et l’animal… »

Un système: L’homme et l’animal ne sont que des éléments d’un système plus complexe: l’environnement. La synchronisation des sous-ensembles du système est primordiale pour la durabilité du système générale. L’environnement, au sens large du terme, est un espace de vie, ouvert et partagé par tous les êtres vivants. Or, il est en cours de transformation qui pourrait être irréversible, sous les effets et impacts d’actions anthropiques et animales dont l’effet de serre et la pollution des nappes phréatiques sont les phénomènes le plus médiatisés en la matière. Pourtant, la vie terrestre est intimement liée à ces deux facteurs vitaux: la lumière et l’eau. De leur disponibilité qualitative et quantitative dépend la vie des êtres vivants sur terre.

Une approche: « La promotion d’une vie harmonieuse entre tous les êtres vivants… » exige une réflexion sur le rôle du vétérinaire, qu’il soit étatique ou privé, dans le processus du cycle de montage des projets dans les zones de leurs actions respectives (du diagnostic à l’évaluation en passant par l’analyse et la conception). L’analyse systémique, outil par excellence en matière de développement, nécessite l’implication des vétérinaires dans toutes les sphères administratives (M.A et Offices sous-tutelle; M.Environnement ; M.Intérieur ; M.Santé ; M.Commerce ; M.Finances ; Banques de développement),dans les différentes échelles (locales, régionales et centrales) et dans l’activité de la société civile (association de développement, ONG).

Un avenir: Il existe actuellement une grande campagne anti-élevage sous la houlette de scientifiques et des médias, qui accuse l’élevage d’être le grand consommateur de céréales et d’eau( concurrence),qu’il est le pollueur par excellence (méthane) et ils mettent en doute la qualité nutritionnelle des produits d’origine animale en les taxant parfois d’être à l’origine de certaines pathologies (cardio-vasculaire, obésité, ostéoporose…etc.). Les firmes internationales produisant le « lait » d’origine végétale et celles «la viande » artificielle sont-elles derrières se dénigrement de l’élevage ? Si la médiatisation de ces hypothèses émises réussies auprès du public, quel est le futur des éleveurs et de la médecine vétérinaire ?

4/ « d’essayer de maîtriser les récentes connaissances et techniques en M.V et de les inculquer à d’autres tout en vaillant à promouvoir les échanges avec les sciences apparentées afin de permettre l’évolution de la science… »

Une polyvalence: Partant de la vocation pluridisciplinaire et la diversité des prérogatives, le médecin vétérinaire est incontournable en matière de recherche-développement et vulgarisation. L’action verticale et mono-disciplinaire, en la matière, n’est plus à l’ordre du jour ! Parallèlement à leurs interventions de thérapeutes, de chirurgiens, d’experts sanitaires, de zootechniciens, les vétérinaires mènent de plus en plus d’actions de prévention (mandat sanitaire) pour optimiser la rentabilité des exploitations agricoles. Ces dernières sont d’une typologie très diversifiée auxquelles les vétérinaires doivent faire face. D’où la nécessité de s’adapter en permanence au contexte (approche systémique),d’adopter le bon discours (outils de communication et de vulgarisation) et de trouver les solutions appropriées (diagnostic pluridisciplinaire).

Un repositionnement: Fallait-il méditer sur la conception et l’élaboration d’un système pluridisciplinaire de recherche appliquée et d’un système de vulgarisation de groupes et de proximité ? N’est-il pas utile de doter les vétérinaires des techniques et outils appropriés en la matière ? N’est-il pas intéressant d’introduire et d’approfondir, sur le plan académique, certaines disciplines telles que: l’économie rurale, l’agroforesterie, l’élevage de chèvres et de former les vétérinaires en matière d’approche participative intégrée et d’animation rurale en organisant des ateliers spécifiques…etc. ? Une telle formation ouvrira de nouvelles perspectives à la médecine vétérinaire en Tunisie (recrutement, partenariat, recherche scientifique). Vu la variabilité saisonnière du rythme de travail et le nombre d’urgences à traiter au quotidien, n’est-il pas intéressant de promouvoir les cabinets par binômes afin de bien répartir les tâches, les tours de garde… Ceci permet également une certaine spécialisation pour faire face à l’évolution de la science et des techniques. Dans certaines régions où les élevages sont très dispersés (surtout l’élevage bovin laitier),l’activité vétérinaire est plus difficile. En effet, différents intervenants (aides-soignants, inséminateurs, bergers, vachers…) ne laissent au vétérinaire local que certaines interventions obstétricales ou chirurgicales et les missions sanitaires réglementées dans le cadre du mandat sanitaire.

Notre maillage vétérinaire, libéral, est-il accessible à tous ? Les normes internationales sont elles respectées (Nombre de vétérinaire/Cheptel disponible) ? Les derniers postes de recrutement (20 vétérinaires) suffiront-ils aux besoins du pays ?

Il est unanimement admis que le déséquilibre régional était l’une des sources de malheur du citoyen tunisien. Le mode de développement conçu depuis belle lurette était basé sur deux piliers:

a/ une approche sectaire et verticale et

b/ un délaissement du secteur agricole (9% du volume de l’investissement global dont 60% pour l’infrastructure). A l’aube d’un changement des piliers en vue de redonner une plus grande importance aux secteurs productifs, dont l’agriculture, et surtout dans les régions de l’intérieur du pays, les vétérinaires tunisiens ne sont-ils pas appeler à se repositionner sur le nouveau échiquier ? Le rôle du vétérinaire et son champ d’action seront plus important en tant que partenaire en matière de politique générale du pays et dans les régions (citoyen), en tant qu’homme de développement (polyvalence scientifique) et en tant responsable de la santé animale et humaine (médecin, hygiéniste).

Malgré les craintes d’un détournement du processus de la révolution (j’ai évité le maximum d’utilisé ce mot !) et pour les différentes raisons suscitées, je ne peux que saluer les initiatives prises susmentionnées. J’appelle les lecteurs de ce pseudo-texte à l’enrichir par des commentaires et des critiques constructives qui peuvent servir à concevoir l’avenir du vétérinaire en Tunisie. Bon courage aux candidats ! Confraternellement !

Dr Ben Gayess Abdelmajid

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