La Troïka gouvernementale à trop de pain sur la planche. Elle le sait mais très inégalement, tout à l’image de bien de ces forces au verbe qui, d’errance politique en vague d’horizons, perdent drôlement pied.La situation internationale est, comme pratiquement de tous temps depuis la montée de l’Etat bourgeois, porteuse de feu et de sang. Utopies à part, il est aujourd’hui inévitable d’évoquer la crise qui ne s’installe pas mais grandit là où elle a toujours été; càd, partout. De fait, il n’y a jamais des crises nouvelles mais rien que les mêmes qui, à intervalles divers, se font plus ou moins sentir.
La Tunisie, assez exceptionnelle en cette phase par l’originalité et l’étendue de sa révolution, ne fait cependant pas l’exception quant à la crise générale. Le politique d »ici ou d’ailleurs, se tient donc un peu dans les filets de la toile globale au fil aussi fin que trop subtilement articulé du capital mondial.
Des élections, il s’exprima des voix. La Constituante est là mais elle a déjà l’air d’être lasse.
Cela fait néanmoins plus d’un mois et demi que l’on sait- à plus ou moins de marge- ceux qui ont décidé de gouverner ensemble. On en est même presqu’à savoir pour combien de temps; un an ou un peu plus, dit-on. Or, cela fait bien plus d’un 45 jours depuis, sans compter les jours qui s’y ajouteront, que le pays n’est gouverné que précisément par ceux qui l’ont gouverné. L’Etat changerait peut-être mais l »ETat n’a pas changé. Bref, c’était comme si rien n’eût lieu.
Deux mois, c’est aussi le sixième de la durée de gouvernement et de présidence prévue, le septième au mieux. C’est tout juste l’équivalent, dans la relativité des choses, des deux premiers pas sur une douzaine. Ils sont ici faux, non point par le temps qui s’y met mais surtout par l’espace qui ne s’y fait pas. Cela tourne presque en rond pour, en somme, des bouts de choses.
Pourquoi fallait-il encore mille batailles tout en dehors de la raison même de ces élections; la constitution?
Interventions étrangères, confusion générale alimentée par remnants et rénégats, situation de révolution toujours inachevée, crise de confiance que des circonstances provisoires ne peuvent absorber en quelques mois; tout cela compte et parfois pour beaucoup dans ce figement étatique tout autant que de constituante(donc législatif). Mais il me semble que l’ont n’est jamais encorre bien sorti de l’impuissance politique qui nous a toujours – et depuis plus de neuf sècles – gouvernés. Nous ne semblons être – forces politiques ou sociales hors troika comprises – qu’au stade pré-civil de notre histoire. Il n’y a pas que les résultats des élections pour le souffler à l’oreille ou l’exposer aux yeux mais aussi tout ce temps somme toute perdu en vrais faux débats. La réalité est que La nahdha, de pouvoir en principe légitime, fait beaucoup plus figure de force de parti que d’Etat avec plus de chance de promettre la lune aux impatients que de savoir-faire ou de possibilités objectives et concrètes pour mettre au tangible ses promesses. Ce n’est pas que dans son seul fait mais elle sait aussi que ni la marge temps ni la pauvre économie nationale héritée ni encore la conjecture mondiale et encore moins ses alliés financiers ne lui donneront la possibilité de se résoudre à assumer cette responsabilité de pouvoir en temps de crise aigue en phase révolutionnaire.Ainsi, elle donne l’impression presque certaine qu’elle n’affiche que moins d’intérêt pour le pouvoir qu’elle a néanmoins relativement acquis. Elle calcule donc moins pour la seule année (ou moins) qui lui reste que pour l’après gouvernement provisoire III. Si tel est le cas, c’est encore la confirmation d’un calcul à haut risque: En pensant gouverner moins longtemps par la prolongation même des débats et le retard à prendre, et donc à disposer de moins de temps de gouvernement réel pour moins de gaffes ‘professionnelles, elle étale déjà la nature, par ce même retard, de son mode de raisonnement: plus politicien que politique ou au mieux plus politique qu’étatique.
Le CPR n’est pas en meilleure stature ni posture. Ses leaders ne doivent pas être tout à fait dans l’ignorance que leur assise populaire n’est pas vraiment large.Ils débattent de la présidence et de ses prérogatives mais pourquoi vraiment si ce n’est encore pour jouer du chat et de la souris avec ses propres alliés et au-delà de deux-ci avec les masses. Ils sont dans l’alliance. ils seront dans le gouvernement. En s’opposant à quelques initiatives et/ou arrière-pensées politiciennes de la Nahdha, ils semblent fonder du jeu sur cette ambivalence qui, pensent-ils, en fera d’eux les alliés du pouvoir d’aujourd’hui tout autant que les opposants de demain de cette même composition première de pouvoir.C’est dire que là encore, le demain politicien l’emporte sur l’aujourd’hui politique.
Ettakattol n’est absolument pas d’assise sociale meilleure.Et c’est toujours au futur qu’il conjugue son présent. La troika raisonne en parti et sans doute mille fois moins qu’en composantes d’un Etat, provisoire soit-il.
Les hors-troika, de tendances beaucoup plus variées et de différences parfois énormes ont eu cette chance de perdre des élections pour peut-être gagner une révolution, pour les plus désintéressés. Ils ne semblent néanmoins faire mieux dans leurs têtes comme dans leurs projets qu’hier quand ils se donnaient à coeur-bois à l’idéologie plutôt qu’à la politique.
Le pôle, pour sa part, se -repôlarise mais pratiquement avec, au devant de toute scène, les mêmes visages, les mêmes approches et surtout le même discours si vague, si occasionnel, si compromettant, si saisonnier de source.
Les forces de changement réel qui ne doivent- du moins dans l’immédiat- appartenir ni à l’Etat ni à la seule tentation durable; voire chronique, de l’étalage idéologique, pensent à leur tour – et ce n’est que droit pour toute opposition- demain.
Leur différence avec la troïka est grande. Elle ne l’est pas moins avec le pôle de tout poils. Elle n’avancent cependant toujours que dans leurs textes si bien tissés.
D’un bord à l’autre, la Tunisie politique donne toute impression qu’elle est vraiment au stade pré-civil, moins parce qu’elle ne fait pas de politique que parce qu’elle en fait mais toujours hors d’Etat; bref hors d’état d’en faire. Tout cela n’ira en tout lieu que contre l’indépendance nationale par davantage d’arrêt dans un contexte ou s’arrêter, c’est déjà réculer à un rythme soutenu. La Tunisie doit avancer. Autant qu’elle ne le fasse à réculons!
Aux bords de tous ces chemins qui ne mènent en se croisant qu’à un état de suspension socio-politique abusive par l’enfoncement d’une économie déjà pour bien de motifs que trop chancelante, des millions d’hommes et de femmes – la richesse même du pays et son devenir – se trouvent encore pris au piège de la durée non pas de la dictature mais de ses effets que l’on souhaiterait moins permanents que n’en font toujours les apprentis sorciers. Il y va ainsi de l’indépendance nationale qui ne s’obtiendra que par l’économie et de l’évolution de la révolution que ne permettra que la politique. Le nombrilisme politicien ou idéologique s’égalent dans leurs dommages.L’union des meilleurs fera la force de tous.