Le Prince et le Juriste

islam coran

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Les Juristes assignent au pouvoir politique deux missions essentielles, le droit exclusif de mener la guerre pour défendre le territoire de l’Islam (et éventuellement de l’agrandir) et la garantie que les « jugements légaux » soient respectés et appliqués.Si la première mission est du ressort de l’autorité séculière qui a toute la latitude de juger de son opportunité et… des modalités de son application, il n’en est pas de même pour la seconde. Celle-ci s’impose du fait de son caractère « religieux » qui distingue le pouvoir musulman de tout autre.

Les Jugements légaux figurent dans la Loi qui comprend le Livre, la Sunna, le Consensus et l’Analogie. Si pour les deux premières sources, c’est l’interprétation qui prévaut puisque les Textes sont de source divine et par conséquent jugés immuables, les deux dernières sont l’œuvre des Juristes. Le Consensus désigne théoriquement leur accord alors que l’Analogie se limite à l’effort de déduction entrepris par l’un ou l’autre d’entre eux.

Comme les deux premières sources contiennent un nombre limité de jugements légaux, ce sont les Juristes qui fournissent la majeure partie de jugements et donc de la Loi.

Il s’ensuit que le pouvoir séculier a pour mission de veiller à ce que les jugements légaux fournis par les Juristes soient appliqués à tous les sujets. L’autorité séculière est le bras armé du Juriste. C’est lui qui lui fournit sa légitimité et c’est elle qui assure son rayonnement et ses privilèges.

Ce mariage idyllique n’a pas toujours fonctionné de manière harmonieuse. En effet, le bras était presque toujours plus fort que le cerveau. C’est l’autorité séculière qui choisit son école juridique et l’impose à ses sujets. C’est elle qui désigne les juges et les agents de l’ordre chargés de faire respecter la Loi. Elle les change au gré de ses intérêts, les réprime s’ils manifestent critique ou insoumission…

Ce n’est pas le Juriste, « symbole de la Religion », qui commande au pouvoir ou l’oriente. C’est l’épée qui soumet la Loi et la Religion aux caprices du pouvoir. C’est le Trésor qui rémunère et gratifie les juristes fonctionnaires. Et ce n’est point la Religion qui imprime son sceau au pouvoir mais l’inverse.

Une lecture particulière du Credo est privilégiée, une approche particulière de la Loi est sélectionnée. L’ensemble est imposé à des sujets qui ont l’illusion que leur Etat sert la Religion, lui qui en réalité ne fait que se servir d’elle pour assouvir sa volonté de puissance.

L’alliance entre pouvoir et Juristes se traduit par leur lutte contre toute sédition politique ou religieuse.

Tout ce qui met en question l’ordre établi et l’hégémonie des classes dominantes est taxé d’hérésie et durement réprimé. Si les tenants du pouvoir occupent les devants de la scène, le Juriste-fonctionnaire est sollicité chaque fois que le besoin de légitimation d’une mesure politique se fait sentir.

En retour, celui-ci réclame l’intervention du pouvoir pour museler telle ou telle doctrine estimée contraire à la Religion. Parfois, d’autres acteurs dénoncent certaines « dérives » et leurs auteurs. Ils font alors appel aux autorités politiques et religieuses qui selon leur intérêt interviennent de manière tapageuse ou font la sourde oreille.

L’absence de Clergé dans le monde sunnite fait en sorte que l’influence et le pouvoir des Juristes sont variables et généralement discrets. Leur action se mesure plus aux valeurs et modes de pensée consacrés et intériorisés par la population que par un pouvoir matériel et manifeste.

Tel n’est pas le cas dans le monde chiite où le Clergé nombreux, organisé et hiérarchisé jouit d’un pouvoir incontestable. Chaque Chiite se réfère dans ses actes à un Marji’ Taqlid (Référence à imiter ) qu’il suit scrupuleusement.

Cette mainmise sur la conscience des individus exclut tout libre arbitre. Si elle est d’abord d’ordre religieux, la tentation de l’étendre au politique et au social a été perçue et mise en pratique par le Clergé. Depuis le triomphe de la « révolution » en Iran, le Juriste est désormais aux commandes au nom de la doctrine de Velayet Faquih (« La tutelle du Juriste »).

Son rêve est devenu réalité. C’est lui qui réunit entre ses mains tous les pouvoirs: le politique, le social et le religieux. Tel un Général, il commande à une armée docile, disciplinée et obéissante.

Mais ses soldats ont perdu la première bataille, la mère de toutes les batailles: celle qui fait la grandeur de l’homme: celle de la liberté.

Ridha Khaled

Auteur de: L’Islam, la Loi, la Société et le Message – Le Prophète de l’Islam et ses Califes – Le Capitalisme, l’Islam et le Socialisme – et en Arabe « Vers une nouvel horizon islamique » (نحو افق اسلامي جديد )

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