La propagande gâte le gâteau !

On dit souvent:"savoir écouter est la première régle de la communication". L’écoute est en fait un processus actif qui exige la présence d’au moins deux personnes disponibles à échanger une information ou une idée (à la fois émetteur et récepteur),à s’enrichir mutuellement en interprétant et analysant un fait quelconque.Plus le nombre des personnes est important, plus les flux d’information et de bruit sont variés et denses, plus ce processus est exigeant en matière de disponibilité personnelle (patience, écoute, présence d’esprit…).Or, dans un contexte pareil, il existe des messages variés, classés en deux groupes: les « dits » et les « non-dits ».Le groupe des messages « dits » sont interceptés par l’ouîe, alors que le groupe des messages « non-dits » sont sujets d’autres organes sensoriels (vision, flaire, toucher et le goût). En matière de communication et de savoir, ces derniers sont aussi important que le premiers.La deuxième régle de la communication est le « savoir transmettre un message ». La transmission d’un message quelconque exige une profonde analyse de l’objectif et du groupe cible, qui est déterminante dans le choix des régles et des techniques à adopter.

En matière politique, celui qui veut réussir son parcours doit obligatoirement respecter ces deux régles élémentaires.Nombreux politiciens sont doués en la matière ! Certains ont reçus une formation spécialisée et d’autres disposent d’un caractère « mercurial » ou « chaméléon » inédit. La scène politique, en Tunisie post-Janvier2011, nous a révélé des performances d’une société civile trés riche en la matière. Le générateur de ce processus n’est autre que le citoyen tunisien, lequel est à prendre au pluriel pour une meilleur analyse de son comportement sociétal durant le processus révolutionnaire (depuis le 17/12/2010 jusqu’à nos jours). Pour une meilleure compréhension de ce phénomène, il est intéressant de superposer trois rangées de tamis à maillons différents:

* l’objectif personnel;

* l’appartenance social;

* l’adhésion politique.

1/ L’objectif personnel:

L’objectif personnel, ligitime en soi, réside en l’amélioration de la situation de quelque nature qu’elle soit (matérielle, professionnelle, liberté d’initiative et d’action…etc.). Il est aussi important de stigmatiser entre les objectifs à court, le moyen et long terme. A travers ce premier tri, on peut classer les individus en trois groupes:

1.1/ Le groupe des simples citoyens « apolitiques »: Ce groupe cherche à améliorer sa situation matérielle, donc socio-professionnelle, dans les plus brefs des délais, méconnaissant les réglements et les mécanismes en vigueur. Le citoyen appartenant à ce groupe est généralement un chômeur et/ou un ouvrier travaillant dans une situation précaire. Il est évident et compréhensible que ce citoyen agit d’une manière dite « hors la loi » en harcelant les autres par mille et une façon (vol, bracage, sit-in, construction anarchique…). Etant inconscient des enjeux et des mécanismes politiques et économiques, ce citoyen estime et exige que son besoin est réalsable dans l’immédiat.

1.2/ Le groupe des citoyens « politisés »: Ce second groupe englobe les catégories sociales citées précédemment, mais qui sont d’un niveau d’instruction plus élevé. Ceux là exigent le droit au travail et l’amélioration des conditions de travail en prenant en considération les normes et les mécanismes administratives en vigueur.Pour le citoyen appartenant à ce groupe, le travail est la pierre angulaire de la dignité. Les moyens usés pour réclamer ce droit sont une amalgame d’actions allant d’une simple « lettre ouverte » jusqu’au sit-in organisé et pacifique.L’engagement de ce citoyen s’arrête généralement au moment de la satisfaction de son besoin prioritaire.

1.3/ Le groupe des politiciens et syndicalistes « engagés »: Le citoyen de ce groupe, mieux encadré, appartient généralement au groupe des fonctionnaires (en public ou en privé) qui réclament, en plus de l’améliration de leurs conditions matérielles, la liberté d’accès à l’action civique (expression, organisation, information).Parmi ceux-là, il existe des personnes partisans d’un parti politique, d’un syndicat ou d’une assocition corporative et d’autres qui sont indépendants. Ce citoyen se différencie des deux premiers par son niveau intellectuel et par son engagement vers la réalisation d’autres objectifs impersonnels à moyen et long terme. Il est aussi important à noter la différence entre les engagés politiquement et les simples sympatisants appartenant à ce groupe. Les politiciens engagés, surtout ceux qui se trouvent au mont de la pyramide organisationnelle, ont des agendas qui diffèrent d’un parti à un autre et d’un individu à un autre, ce qui explique les faits suivants: les luttes intra et inter-organisations (partis, syndicats, associations),le faible taux d’adhésion aux partis et syndicats. Pour contourner ces deux fléaux, certains ont usé des moyens financiers et médiatiques pour garantir un meilleur flux et par conséquent une assise populaire plus large pour l’ascension aux tribunes politiques permises par la constitution. L’engagement du citoyen de ce groupe est plus réfléchi avec une persévérence active dans le temps et dans l’espace.

2/ L’appartenance sociale: La différence des objectifs de chacun des groupes énumérés est généralement liée à l’appartenace sociale de chacun des citoyens, laquelle est le résultat du modèle de développement imposé par les ex-dictatures ayant gouvernés le pays. En Tunisie, la disparité régionale était le générateur des différents mouvements contestataires. Pour illustrer cette disparité régionale, imaginons un trapèze dont la petite base est le littoral du grand-Tunis (entre le golfe de Tunis et celui de Hammamet) et dont la grande base est celle de la frontière tuniso-algérienne. Grosso modo, c’est au sein de ce trapèze que se trouve la population la moins démuni et c’est en allant de l’Est vers l’Ouest que le gradient de pauvreté s’accroit davantage. Une disparité régionale auquelle s’ajoute une disparité socio-professionnelle qui sont à l’origine des révoltes et émeutes qu’à connu le pays depuis la période beylicale. La discrimination est aussi résidentielle car le gradient de pauvreté va cressendo du centre de chaque lieu urbain (ville) aux quartiers périphériques réciproques constitués par les « bidons villes », là où s’entassent les originaires des régions de l’intérieur. Les politiques d’aménagement territoriale et la spéculation foncière étaient les outils discriminatoires usitées par des politiciens régionalistes.

Cette discrimination est aussi administrative et politique: plus on monte d’un étage d’un immeuble administratif ou on s’engouffre au fond d’un couloir administratif, plus on trouve les hauts responsables originaires, généralement des régions littorales. NB: Les exceptions sont rares ! Ainsi donc, le pouvoir décisionnel (administratif et politique) est entre une poignée de personnes produits d’un modèle de développement discriminatoire. D’ailleurs, comme il a été remarqué tant de fois, les émeutes ou révoltes avaient un caractère social et naissaient au fond du trapèze suscité pour s’achever et être achevées à Tunis sur une note de transaction politique. Le processsus de la révolution de 2011 n’a pas dérogé à cette régle !

3/ L’adhésion politique:

3.1/ Le recroqueviellement: Historiquement, la naissance des partis politiques est liée à l’antagonisme existant entre les désirs et les besoins des classes sociales existantes. Jadis, par manque de moyens de communications et de transport conjugué à l’analphabétisme reignant surtout en milieu rural et vu la concentration des activités administratives, industrielles et de services au sein du milieu urbain, l’exercice de l’action politique était concentrée entre les mains d’une poignée de personnes cultivées et enbougeoisés résidant dans les grandes villes et essentiellement dans la capiltale. Cette situation a toujours désavantagé le milieu rural en matière de représentativité politique. Même durant la période féodale, les représentants sont choisis parmi l’élite politique et/ou religieuse résidante de la capitale. La vie politique en Tunisie ne faisait pas une exception à cette régle. Mais, ce qui est paradoxal, c’est que ce phénomène se propage dans la continueté malgrés les changements sociétaux (décroissance du taux d’analphabétisme, accroissement du réseau de communication et de transport en quantité et vitesse, décentralisation administrative et des services…etc.). Les partis politiques sont restés recroquevillés à Tunis et dans les grandes villes du littoral (Sousse et Sfax). Il est certain que la politique répressive (matérielle et immatérielle) et le manque de moyens (financiers et humains) sont parmi les causes souvent évoquées, mais il n’en demeure pas moins que le militantisme de certains (partisans ou indépendants) a anéanti les effets dépressifs de ces contraintes.

3.2/ Le manque de clairvoyance et proximité:

Le caractère « tsunamique » du processus révolutionnaire et l’absence de « leaders politiques » expliquent le manque de clairvoyance et d’anticipation des partis politiques. Ces derniers, toutes couleurs confondues, n’ont pas prédit un tel processus par carence d’ordre analytique qui trouve ses origines dans l’abîme qui sépare les objectifs des partis de celui des citoyens. Cet abîme est dû l’effet corrosif d’une politique basée sur l’organisation pyramidale et non horizentale, sur des techniques de communication directives et non participatives et sur des données éronnées et falsifiées.

C’est cette situation qui a poussé les partis poitiques (anciens et émergeants) a sauté sur l’occasion offerte en vu de partager le « gâteau » en déclenchant un processus opposé visant la déviation des objectifs et des activités des révolutionnaires. La politique consensuelle adoptée n’est que le début de ce processus contre-révolutionnaire pour entre autre atténuer leurs faiblesses respectives et par craintes de se dévoiler mutuellement devant une population qui a perdu toute confiance dans ce milieu sceptique. Une grille d’indicateurs est là pour conclure que la méfiance est grande (faible participation dans la vie politique, faible taux d’inscription pour les élections, critiques acerbes envers les partis, grand flux vers les associations…etc.). Pour atteindre leurs objectifs, les partis ont usé et usent tous les moyens de maquillage afin de séduire l’électeur (médias, argents, actions « caritatives »). Il était plus indiqué de s’appuyer sur des techniques de communication plus appropriées (objectifs clairs, discours compréhensibles et interactifs, transparence des moyens pour parvenir aux objectifs) et sur une approche basée sur la proximité qui est la seule méthode qui permet l’usage rationnel des autres organes sensoriels pour compléter la compréhension. Des partis sans alternatives claires et précises, lancés dans une course électorale déséquilibrée, misant sur l’aspect quantitatif de l’électorat que sur son aspect qualitatif. Cette manoeuvre suppose l’existence d’un « électeur marchandise » à échanger contre de « l’argent » et des promesses irréalistes et irréalisables. Pour que les conditions d’un marchandage soient complètes, ces partis ont misé aussis sur une grande campagne médiatique et publicitaire. Bref, une campagne électorale politico-financière ne respectant nullement les a-priori d’une vraie démocratie. Les scandales sont devenues une monnaie courante pour une élection préméditée d’une constituante à composition pré-établie.

Les mécanismes et les procédures adoptés par la contre-révolution gâtent le « gâteau » à partager. La répugnance de ce « gâteau » en cours de cuisson sera certainement opposée par un fort  » mouvement de dégage » dans des horizons non lointaines.

———–Ben Gayess Abdelmajid

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