J’ai voté !

Le titre peut paraitre trompeur mais ceci n’est ni un article ironique ni un essai métaphorique traitant de la polémique que nous venons de vivre ces derniers jours. Je suis physiquement, réellement, concrètement allé voter, pour la première fois de ma vie.J’ai voulu donc partager ma petite histoire avec vous, cela vous servira d’avant gout ou peut être même d’une sorte de tutoriel pour savoir « comment voter ».

Je voudrais tout d’abord insister sur un point d’une importance capitale: étant étudiant tunisien au Luxembourg, je m’attendais à être informé d’un éventuel changement du lieu où se déroulent ces élections historiques (l’adresse notée sur mon inscription à la base, « (Salle de fête) 11 Bisserwee – L – 1922 », est à environ 37 km de là ou j’ai voté aujourd’hui. Je m’attendais à ce que l’information me parvienne par elle-même (via sms par exemple) et pourtant, je l’ai obtenu par le plus pur des hasards, en écoutant des gens parler dans la rue !

Certes le Luxembourg est un pays qui a moins d’habitants que le nombre de tunisiens en France (511 840 habitants de toutes les nationalités pour le Luxembourg contre 600 000 tunisiens en France),mais est-ce une raison pour ne pas employer les mêmes dispositifs de communication que pour les tunisiens de Belgique ou de France ? Qu’en est t-il des tunisiens du Sierra Leone par exemple ? Pour être informé il fallait faire partie de la communauté tunisienne au Luxembourg, chose que je n’ai jamais pu faire: il n’y a aucune association, aucun organisme œuvrant dans ce sens.

Cette petite remarque m’a rappelé, que les inscriptions sur les listes de vote en ce qui concerne Luxembourg ville se sont faites dans une boucherie Tounseyya… no comment !

Maintenant que j’ai balancé mon paragraphe « jamais content/ plainte/ thawra / i3tissam », venons-en aux choses sérieuses !

Une fois arrivé au bureau de vote, j’ai immédiatement été accueilli par de jeunes bénévoles tunisiens dévoués, souriants, accueillants, en un mot: charmants ! J’ai tout de suite reçu une sorte de brochure expliquant le processus de vote du début jusqu’à la fin illustrée avec des images, des flèches et des couleurs (à télécharger sur le site internet de l’ISIE.). Document agréable à consulter et simple à appréhender.

Ensuite, on m’a dirigé vers un mur où étaient collées des listes dans lesquelles il fallait trouver son nom et noter son rang. Ceci fait, j’ai été amené à prendre part à la queue (essaf) en attendant mon tour.

Je salue au passage cette belle queue à laquelle j’ai participé tout à l’heure. Ce fut une des plus organisées, une des plus civilisées, il y régnait un calme serein et une bonne humeur, habituellement inédite dans ce genre de situations en Tunisie.

Après un court délai d’attente, on arrive devant la personne qui a pour mission de vérifier notre identité, on lui énonce notre rang sur les listes d’inscription, on signe, on laisse son téléphone et sa carte d’identité nationale(ou passeport) et on va faire son choix dans l’isoloir.

Juste une petite suggestion, certes après coups, mais cela n’implique que moi: je pense que les cases que l’on doit cocher pour faire son choix auraient dû être plus espacées afin d’éviter toute maladresse ou confusion. Non seulement on ne vote pas pour sa liste préférée mais on offre sa voix à une autre.

Une fois mon choix opéré, on m’a invité à mettre un doigt: Devant moi, il y avait un flacon rempli d’encre, je me suis exécuté en demandant le document sur lequel je devais laisser mon empreinte digitale et là, on me dit que c’est un liquide indélébile qui s’accroche à la peau pendant 3 jours. Le temps que Jésus ressuscite ? Le temps que les élections se terminent voyons ! Un moyen « révolutionnaire » pour contrer, entre autres, ceux qui s’inscrivent aux élections avec des dizaines de cartes d’identité.

Fier de ma Tunisie et optimiste pour notre avenir, j’ai admiré la rigueur et le professionnalisme relatifs à l’organisation de cet événement majeur dans l’histoire de notre pays, des qualités qui élèvent la Tunisie au rang des pays les plus démocratiques. Je remercie pour l’occasion tous ceux qui participent de près ou de loin, à l’organisation de nos premières élections libres, ainsi que tous ceux qui veillent à leur bon déroulement, partout dans le monde.

J’espère que le critère de standardisation sera respecté dans tous les bureaux de vote sans exception.

C’est donc avec beaucoup d’émotions que je finis de rédiger ces quelques mots, en attendant le 23 Octobre, date à laquelle chacun de nous vivra un grand moment dans l’histoire de la Tunisie, une première (soyons à la hauteur pour que ce ne soit pas la dernière) pour le monde Arabe, un événement fabuleux que l’on présentera à nos petits enfants en tant qu’aboutissement de tellement d’années de souffrance et d’espoir, la consécration !

J’attends vos réactions avec impatience, j’aimerais tant qu’on partage nos expériences, qu’on s’exprime, que ca ne soit pas que formel et méthodologique. Il y a un grand enjeu émotionnel derrière cet acte noble qui représente les fondations de la démocratie et on se doit d’en parler: n’est ce pas salutaire de mettre des mots sur nos « premières fois » ?

Mehdi M’ribah

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